La Liberté et le Bonheur peuvent-ils aller de paire ?

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(écrit en écoutant On My Mind – Diplo & SidePiece)

Il y a environ 10 ans, je me rappelle avoir eu l’expression « Imbécile heureux » qui me tournait en tête. J’étais alors en école de commerce, à doubler mon diplôme d’ingénieur d’une nouvelle formation. A cette époque je devais encore me demander à quel moment j’allais « vivre ma vie ».

En effet j’avais suivi un cursus studieux du bac aux diplômes en passant par école prépa, et tout cela porté par ma propre envie. Envie de quoi ?.. C’est une question un peu longue à pousser et dont il ne sera pas question tout de suite. En tout cas j’avais envie de comprendre le monde dans lequel j’évoluais. De ce fait ça m’intéressait d’apprendre. Apprendre comment sont faites les choses, comment fonctionne le commerce, comment pensent les personnes qui sont valorisées dans notre système sociétal. J’assistais donc à mes cours de compta, marketing, entreprenariat, et en même temps j’en étais à la question du savoir et du bonheur.
Car en effet j’associe « heureux » à « bonheur » et j’oppose « imbécile » à « savoir ».
Je me disais donc, si « imbécile heureux » persiste dans le langage commun, certainement que ceux qui ne savent pas sont plus heureux ?!?
L’idée de rester non conscient (j’associe conscient à savoir) simplifierait l’accès à une béatitude (béatitude à bonheur). Ne pas savoir ferait que je ne me rends pas compte (rendre des comptes à conscient), et que je suis plus heureux de ce que j’ai, que conscient de ce que je n’ai pas…

Cela me fait penser à une formulation que j’ai entendu à la radio il y a peu. La question « Faut-il avoir peur de l’Afrique ? » était posée à des invités, ou quelque chose comme ça. L’un d’eux répondait que lorsqu’il était enfant, sont père lui avait dit que

« La peur, c’est de l’intelligence utilisée à tes dépend »

Je trouvais ça juste.
La peur est un réflexe de l’esprit humain pour la sauvegarde de l’être, mais elle crée également des freins, une fermeture, qui ne permettent pas de découvrir (peur – freins – fermeture). Car oui, la découverte, qui va avec l’appréhension du nouveau, nécessite de l’ouverture à l’inconnu (découverte – nouveau – inconnu). La peur est une sorte d’intelligence qui nous enferme tout en même temps qu’elle nous protège. Mais la peur, n’est pas innée (enfin je ne crois pas), elle s’apprend par l’expérience.
C’est un reflex mis en place suite à une expérience désagréable. Pour ne pas reproduire cette expérience désagréable, on met alors un frein à ce que cette expérience arrive à nouveau. Mais l’expérience se répète peu souvent de manière similaire, et on est donc obligé de formuler un frein plus large que la seule mauvaise expérience vécue (un peu comme on fermerait les frontières à tous les étrangers parce qu’un jour on a été déçu par un chinois).

La connaissance, l’expérience, la multiplicité des savoirs nous feraient « sachant » et nous éloignerait-elles du même geste du bonheur ?!?

°°Sachant libre°°
J’ai pourtant l’agréable sensation de me sortir de situations désagréables en sachant. Je sais mieux de quoi j’ai envie et de quoi je n’ai pas envie. Et puis je satisfais ma curiosité et ma soif de savoir, qui me permettent aussi de prendre plaisir à discuter et à aller toujours Plus Loin. J’avance. Mais est-ce que ce plaisir m’approche du bonheur ?..

Ma soeur m’a plusieurs fois reproché d’être « blasé ». C’est vrai qu’avant par exemple, je consommais beaucoup plus facilement. Gamin, dès qu’on me faisait un cadeau, avoir une nouvelle appartenance me faisait plaisir. Aujourd’hui ma famille sait que me faire un cadeau est une tâche compliquée : si ça fait double emploi, si c’est trop industriel, s’il y a trop de plastique, si ce n’est pas vraiment utile, ça risque de ne pas me plaire. Et pourtant ils arrivent toujours à me surprendre ;)
Même genre de phénomène lorsque je fais les courses : paumé au milieu des rayons, je ne sais pas quoi acheter. J’ai besoin de manger, à coût acceptable, mais je suis prit entre la confiance que l’on peut faire à telle ou telle marque, la conscience des petits poulets élevés dans les cages, les antibiotiques nécessaires aux éleveurs pour ne pas perdre tout leur bétail et avoir un rendement trop mauvais, et mon porte monnaie…alors je mélange du bio Carrefour, à du Bio et du local achetés autre part, des tranches de jambon à 1€50 achetées chez mon Boucher et quelques produits achetés sans trop me poser de questions (c’est d’autant plus facile depuis que j’ai recommencé à gagner ma vie).

Alors pour revenir à nos moutons (je m’égare tout le temps), suis-je plus ou moins proche du bonheur en sachant, en me rendant des comptes, en ayant une présence à mes choix ?

Aujourd’hui, j’ai compris que je cherchais souvent à remettre le cadre en question (pareil ,c’est une question longue qui mérite débat, mais toujours pas maintenant ;) Qu’est-ce qu’on peut considérer comme cadre ? Et bien au final tout ce qui est appliqué sur une réalité complexe pour la faire rentrer dans une formulation simple voire simpliste, et surtout, sans application de jugement. Je déteste quand on me répond « Parce que c’est comme ça » (je déteste aussi quand on me répond « Si tout le monde faisait comme vous on ne pourrait pas… », mais c’est bien parce que tout le monde ne le fait pas que je me le permets, enfin, c’est un peu hors cadre…). Et oui car le cadre à son intérêt, notamment celui de me forcer à suivre le fil de ma pensée pour cet écrit : rester autour du thème ! Sinon je risquerais de perdre votre intérêt et votre attention.
Donc ce cadre je le remets en question car il fait perdre la complexité intéressante de la vie d’après moi, surtout lorsqu’il est inconscient. Je combats donc par le même fait cette inconscience de la complexité et de la profondeur des choses. Je combats également donc l’application inconsciente d’automatismes et défends du même coup la diversité et la prise de décision (j’ai failli utiliser la formulation « du même fait » => « et défends du même fait la diversité », mais ça aurait fait une répétition et vous vous en seriez rendu compte, alors j’ai varié par « du même coup » pour vous duper un peu, comme quoi moi aussi j’essaie de vous emmener inconsciemment ;) )
… Suis-je plus proche du bonheur en ayant une présence à mes choix ?

Me vient la pensée sur l’individu créateur. C’est une autre pensée que j’ai. En gros, on se rapproche de Dieu en créant des choses, c’est à dire en contribuant à formuler (donner forme à) des choses nouvelles, surtout lorsque c’est une création artisanale, mais aussi des écrits par exemple. L’intérêt de l’objet c’est qu’on en fait l’expérience plus évidemment. On est souvent fier d’avoir fait quelques chose soi-même :

« Maman, regarde ce que j’ai fait  ! »

Ou alors on le montre aux amis… On a une fierté à avoir réalisé quelque chose par soi-même, même tout seul, quand on mange le fruit de son jardin par exemple. D’où le développement du DIY (Do It Yourself = Faites le vous-même = Fait maison). Faire par soi-même, être créateur, c’est se sentir libre de sortir des cadres en donnant naissance à une nouveauté, unique, par le mélange d’autres choses existantes ou à partir de la mise en forme d’une matière première.

La liberté, me disais-je en discutant avec une copine à propos de choix, c’est justement celle de faire ses propres choix, « en son âme et conscience » comme on dit souvent.
Et cette liberté va de paire, pour moi, avec la responsabilité d’assumer ses choix.

Libre et Responsable

On a pu entendre que « la liberté c’est de choisir ses chaînes », je ne sais plus où, mais c’est une vision pessimiste. Ca n’est pas totalement faux, mais cela raconte surtout que tout choix peut être à double tranchant. En effet, on retrouve également dans « Choisir c’est renoncer », l’idée que tout choix représente autant un gain qu’une perte. En fait, choisir c’est s’engager sur un chemin au détriment de la multitude des autres. Mais c’est avancer.

Lorsque j’étais au lycée, je m’étais formulé que

« Je ne sais pas si je fais le bon choix, mais je vais faire en sorte que mon choix soit le bon »

C’est à dire que les choses ne se jouent pas à l’avance, mais à posteriori, et du coup dans l’engagement (je le découvre au moment où je l’écris d’ailleurs, moi qui souhaite toujours laisser tous les choix ouverts).
Choisir c’est s’engager et avancer (un ben dis-donc, je ne pensais pas en arriver là)…
D’où l’importance d’avoir la sensation de choisir sur quel chemin on s’engage, puisque sinon on avancerait sur un chemin qui ne nous appartient pas, et ne nous correspondrait pas.

C’est d’ailleurs ce qu’il se passe avec les études (ah, va-t-on boucler la boucle ?). Et oui, car souvent, trop jeune pour savoir ce dont on a envie ou connaitre la diversité des possibilités, ou encore s’opposer au cadre parental, on suit l’exemple de nos parents… Et bim, me voilà ingénieur commercial. Oh non, j’avais dit que ce n’était pas le moment pour pousser cette question… comme quoi tout est lié. Mais c’est bon signe si on boucle la boucle.
Enfin si on continue sur le cadre de notre discussion (voire monologue de mon point de vue)(c’est vrai ça, vous êtes pas très locaces !)

Donc avec ces études, on en arrive par exemple en ce moment de libertinage professionnel, à de très multiples reconversions (50% des cadres se reconvertiraient vers des métiers du secteur primaire me confiait ma conseillère Pôle Emploi en 2013). Tellement de jeunes qui ont apprit à reproduire et qui remettent en question leurs choix après un burn out, un cancer, ou celui d’un collègue ou d’un proche. Voilà où peut mener la poursuite d’un choix qui n’était pas suffisamment personnel. Mais qui était-on pour décider ? Aurait-on pu faire mieux, et doit-on blâmer nos parents pour autant, ou bien est-ce l’inéluctable héritage du passé ? Encore une fois, la question restera en suspens.

Choisir, se planter, et pousser, comme le mentionne une amie sur son profil Whatsapp : « Quand je me plante, je pousse », bravo Caro, tu m’as inspiré ce soir ;)
(on ne parlera pas non plus du culte français de la peur de l’échec, du qu’en dira-t-on, de l’entrepreunariat, etc…)
Choisir, librement, en conscience, avec cette conscience qui nous permet de mieux nous situer au sein du monde, mais du même coup qui nous éloigne d’une insouciance enfantine qui nous rendait heureux ???

Etait-on plus heureux enfants ?

Certains répondront que non, ça c’est sur. D’autres tout l’inverse. En tout cas, comme me le formulait avant hier une copine, « Je sais pourquoi je me suis barré de chez mes parents à 17 ans ». Et oui, soumis à l’autorité et aux choix des autres, au bout d’un moment, (Tanguy ne le saura pas) c’est plutôt signe de bonne santé, même si on ne renie pas l’amour de nos racines pour autant. Tellement de paradoxes dans cette vie dis-donc…

Choisir et avoir le droit de grandir de ses propres plantages, parce que « c’est moi qui l’ai fait » ! Ca c’est une liberté ! Avoir le droit de faire de mauvais choix! Mais mauvais par quel subjectivité ? Ah la voilà la question du subjectif et de l’objectif, on l’attendais. Elle se cachait derrière le « bon » choix, mais je ne l’avait pas encoure soulignée. Enfin je ne pensais pas non plus l’amener par là, mais allons-y.

Cette histoire de subjectivité traine partout. C’est comme dire que tout est relatif. Mais même dans la science, on a accepté pour le moment qu’une unique chose n’est pas relative, c’est la vitesse de la lumière. En effet on aurait tendance à penser que comme quand je croise une voiture sur l’autoroute, si je roule à 120 dans un sens et elle à 100 dans l’autre sens, notre vitesse relative est de 120 + 100 = 220 km/h. Et bien la science dit que, deux photons qui se croisent à contre sens et avancent chacun à la vitesse de la lumière, se voient entre eux, toujours à la vitesse de la lumière! On aurait donc tendance à dire que cette vitesse n’est pas relative mais absolue. En d’autres termes on pourrait même formuler qu’elle est objective (puisque non relative). En religion, seul Dieu est omniscient, présent partout en même temps, doué d’ubiquité; objectif donc.

Mais Dieu comme les photons sont-ils heureux ?

Est-ce qu’être partout à la fois, ou toujours égal à soi-même, rend heureux ?
En en discutant avec ma pote au téléphone tout à l’heure (juste avant que je me dise que j’allais écrire sur cette pensée qui m’est venu tout à l’heure à moto en rentrant du boulo), on avait tendance à se dire que le bonheur réside plus dans la subjectivité que l’objectivité. En effet, moi-même photographe, toujours à prendre du recul sur les choses, justement pour les immortaliser (et les rapprocher de « Dieu »), j’ai décidé au bout d’un moment de lâcher mon appareil photo pour être dans l’action, plus que de la regarder. Aujourd’hui ça me fait du bien d’être dans l’action, et je vais pouvoir notamment, revenir à la photo plus librement. J’ai prit du recul sur ma pratique de la photo. J’ai prit du recul sur ma prise de recul…J’essaye de transcender ma situation passée.

Transcender. Et si c’était ça la clé ?
Ne pas s’emmurer dans le choix et la conscience, ni rester bloqué par défaut dans un fonctionnement inconscient, mais parvenir à la conscience pour ensuite ne plus s’en préoccuper et la dé-conscientiser. Choisir librement, par une pratique savante, de ne plus savoir. J’avoue, j’étais déjà parvenu à cette idée il y a de ça 10 ans : la transcendance. J’y reviens aujourd’hui par cette démonstration d’un soir, au fil de mes pensées. Je sais aussi que je suis sur ce chemin, et ça me rappelle pourquoi et comment j’en suis arrivé là. Mais pour l’instant j’avoue, je ne me sens pas heureux. Mais cette sensation ne serait-elle pas subjective ???

Allez, je n’ai pas réellement apporté de réponse, mais on s’en doutait un peu non ?

Crédit photo : nicolas kaplan – Lonely Rio, Rio de Janeiro, vue sur le Moro dos dois irmaoes, 2012

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