Mardi 9 au matin
Ma journée débute normalement. Un collègue de travail est rentré de week-end avec un petit rhume, tandis que moi j’ai vu des amis à Annecy et y ai dormi plus que nécessaire.
En début d’après-midi j’ai commencé à avoir mal à la gorge. Je sui habitué à avoir mal à la gorge quand viennent les jours froids, je suis juste un peu surpris vu que j’ai bien dormi tout le week-end.
Mercredi 10 au matin
J’arrive au taf avec quelques frissons, et un masque. Je me suis traité comme d’habitude chez moi : tisane de thym, miel , mélange d’huiles essentiels…masque au cas où. La secrétaire me salue assis à mon bureau juste avant de descendre les escaliers. Je lui dit que je me sens fatigué et ai un petit mal de gorge…
… »Tu devrais peut-être rentrer te reposer ?!? me dit-elle une fois remontée.
– Tu as peur que j’ai le covid, c’est ça ? Ne t’en fais pas, je suis habitué à ces maux de gorge…Ecoutes, je vais aller me faire tester comme ça vous serez rassurés. »
Mon collègue de bureau m’incite : « Oh oui va te faire tester, tu vas voir, la brune elle a des yeux, tu vas tomber amoureux. »
Un coup de fil à la pharmacie du coin un coton tige dans le nez enfoncé par Mr Pito, 15min d’attente, une réponse plus ou moins à la con quand je demande « Pourquoi vous m’avez fait attendre sur place ces 15min ?
– C’est un test, imaginez qu’il soit positif, vous rentrez chez vous et potentiellement vous allez tout casser en recevant le sms…et puis ça me permet de justifier mes 25 balles ! »
Presque professionnel…
NEGATIF
Je rentre à la boite en rassurant tout le monde, « C’est juste un mal de gorge un peu fort ».
Le soir avant de partir on a une nouvelle discussion avec mon patron sur le port du masque, les risques pour la boite, la vaccination… Ah, oui, je ne suis pas vacciné ;) le dernier de la boite, mais bon, on est 10, c’est humain, on ne me le reproche pas trop.
Jeudi 11 : férié
Vendredi : pont
…pont mais je suis passé chez le médecin le matin. J’ai eu du mal à dormir. J’ai fait ce que j’imagine comme étant une mini-crise de burn-out. Mon cerveau, pendant la nuit, tournait sur des problématiques de mon travail. Je suis chargé d’affaires et ai toujours plein de petites choses en tête. Durant la nuit j’avais la sensation que j’avais des choses à penser sur des projets…ça devait être la fièvre. Au réveil j’étais bien HS, fébrile, quelques frissons, mal à la gorge. Heureusement, arrivé tôt ils ont accepté de me faire passer entre deux rendez-vous de patients.(ce qui est rare de nos jours)
« Ça n’est pas une angine » m’affirme la médecin. Vous avez du attraper un virus. Il faut vous reposer, et au cas ou, je vais vous faire une ordonnance pour refaire un test. Les tests PCR c’est plus fiable que les tests antigéniques. »
Cependant elle allait me faire une ordonnance pour un test en Pharmacie. Je lui ai dit que je pourrais certainement me faire tester au Labo d’à côté sans rendez-vous (j’avais tort), et elle m’a fait une ordonnance pour un test PCR.
Pas à côté, mais sur ma route, j’ai pu trouver un laboratoire me prenant directement, dans mon camion !
J’avais vu cette pratique à l’époque des premiers confinements mais là j’ai été surpris quand elle m’a demandé à l’accueil :
« – Vous êtes venu comment ?
– Euh, en voiture…
– Elle est comment, vous êtes garé où ?
– … mais pourquoi vous me demandez ça ?
– Parce qu’on va vous tester dans votre véhicule, c’est un test à risque pour le laboratoire.
– Mais c’est bien avec un coton-tige dans le nez ?…
– Oui oui. »
Enfin voilà, nouveau coton-tige dans le nez, « Vous recevrez votre résultat sous 24h par mail »
En fait, on avait prévu un long week-end dans les Pyrénées en famille pour fêter les 70 ans de mon père. Je me disais que c’était une mauvaise idée de rejoindre le petit noyau de la famille, même si ce n’était pas le covid, mais difficile d’y renoncer et de trouver des mots pour le justifier. Alors je suis arrivé chez mon père, avec un masque.
On s’est fait une embrassade (un câlin d’un peu loin quoi) et j’ai mangé mon déjeuner tout seul au bout de la table. On est ensuite partis en voiture avec mon père et ma première grande soeur pour 5h de route jusqu’à Toulouse où on allait chercher ma 2ème grande soeur chez elle.
J’ai passé les 5h allongé sur la banquette arrière, tout habillé, avec un bonnet, une capuche, un masque, et je ne sais plus quoi sur la tête pour couper la lumière. Au 2ème tiers du trajet j’avais « les jambes agacées » et avais du mal à conserver mon attention au repos. Alors j’ai commencé à écouter un podcast féministe sur les relations amoureuses (« Le coeur sur la table »). Ca m’a un peu calmé.
Je me disais quand même, pour la 2nde fois, que quitte à être super-malade, fatigué, fiévreux, ne pas pouvoir profiter du week-end et faire attention à ne pas contaminer les autres, c’était bien peu de chance que j’ai choppé un gros virus inconnu et que ce ne soit pas le covid.
C’est arrivé à Toulouse, pile devant chez ma soeur, qu’un 04 42… m’appelle.
« Bonjour Mr, vous avez peut-être déjà reçu vos résultats par mail, mais je voulais vous prévenir que votre résultat est POSITIF. Voilà, vous allez être joint par l’Assurance Maladie demain. Bon courage, bonne soirée. »
Je m’étais mis de côté pour prendre l’appel et ai tout de suite partagé l’information avec mon père et ma soeur qui venaient de descendre de la voiture.
Il faut m’imaginer très habillé, une capuche sur mon bonnet, dans un coin de mur sur le trottoir, vers 18h, nuit tombée, encore dans un drôle d’état du aux 5h de trajets et d’agacement…
Ma soeur me tend du gel hydroalcolique bouchon tête en bas, du style « Vas-y tend tes mains » en disant « Allez gel hydroalcoolique pour tout le monde ». Ca m’a agacé, j’ai réagit un peu fort, à priori du fait de l’absence de mise en mots de la situation. J’étais d’un coup un risque.
Je pense qu’on a tous commencé à réfléchir à la situation : on avait prévu de passer 3 jours tous les 4 dans un chalet dans les Pyrénées et il nous restait 1h30 de route dans la voiture chargée…
« Vous craignez à quel point ? » ai-je demandé à tout le monde.
» – Au plus haut point… » a répondu mon père.
» – Bon donc c’est bon, je vais rentrer chez moi (à Marseille). »
Mais comment rentrer quand on est « l’ennemi public numéro 1 » ?
Les trains étaient tous pleins. Le prochain partait le lendemain à 6h45 et allait mettre 10h en passant par Paris. Je ne me sentais pas vraiment d’attaque pour passer 10h dans le train en me sentant potentiellement responsable du risque que je portais, mais aussi, j’étais creuvé. (J’avais bien un pass NEGATIF qui datait du mercredi matin. Mais il parait qu’on a le droit de prendre le train sans pass pour rentrer chez soi quand on a le covid.)
Covoiturage ? Impossible. Je ne peux pas mentir à mes covoituriers, et personnes ne voudra me prendre sachant que j’ai le covid.
Bus ? Même problèmatique.
Ma soeur a proposé de faire demi-tour des 5h de route pour me ramener et repartir le lendemain.
Mon père a proposé d’annuler le week-end.
Ma 2ème soeur a proposé que je reste confiné chez elle à Toulouse durant leur week-end dans les Pyrénées, et que je reparte avec eux le lundi matin en voiture, sur la banquette arrière, avec mon masque.
On a opté pour cette dernière proposition. Me voilà donc pour 3 jours dans un studio avec mezzanine que je connais à peine, avec toutes les affaires de ma soeur, et une housse de couette à moi (en plus de mon sac de weekend)…
J’ai appris durant ces premiers jours de confinement, en prévenant tous les cas contacts moi-même (l’Assurance maladie ne m’a appelé qu’au bout de 5 jours), qu’à priori c’est un des amis de mon week-end à Annecy qui m’a refilé le bébé. Il s’était senti un peu malade mais sans plus. Par contre toutes ces heures de bon sommeil du week-end, je les avait passées dans mon sac de couchage à ses côtés…