Comme quand on a fait la fête…

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J’ai les oreilles qui résonnent…
Tu sais ce sont sourd qu’il te reste après être sorti d’une grosse soirée. Ca faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé…ressentir les sensations connues et liée à un bon moment avec du monde…
Je me rends compte que je sens la clope aussi, et la bière imbibé sous mes chaussures, sur mon sac…j’ai encore la tête qui tourne un peu. En l’écrivant je porte ma main sur mon front pour soutenir ma tête et je capte que par-là aussi ça sent la bière froide. Pas fraiche, froide; mélangée à la fumée de cigarette…enfin, cette odeur que je n’ai pas senti depuis un moment.
Ben oui, jusqu’ici j’ai respecté les interdits : vers 18h à la maison, ne pas rencontrer trop de monde. J’essaye quand même de dire bonjour aux vieux que je croise dans mon quartiers, promenés par leur chien, mais je n’ai pas toujours de réponse. Le quartier ou le Covid, à qui la faute ? Je ne sais pas, je ne suis pas là depuis longtemps.
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Parti en moto vers Joliette, je me suis dit en rentrant que je n’avais pas besoin de l’efficacité du tunnel sous le vieux port pour rentrer chez moi rapidement. Pourtant vers 16h30 je n’avais toujours pas déjeuné et j’avais faim. J’ai décidé de passer par le quartier de la Plaine boire une bière en mangeant une part de pizza… Et bien arrivé sur place, dans la montée Adolphe Thiers, j’ai déjà commencé à croiser du monde…déguisé. Mais pourtant c’est demain le carnaval… (Oui, oui, demain il y a carnaval) alors pourquoi il y a déjà autant de déguisements, j’ai loupé quelque  chose ?

Je gare ma moto et monte sur la Plaine au milieu du moulon de personnes buvant une bière tranquillement dans les derniers rayons de soleil. Ca fait du bien de voir du monde dehors. Déjà, ça me fait juste du bien de voir ces gens originaux et souriants qui profitent, comme avant. Je me dirige directement vers le premier snack dans un carrousel posé là par le plan d’ubanisme et vite tagué pour être raccord avec le quartier. Un mec attends son sandwich, on discute naturellement. Il m’apprend que ce soir le couvre-feu est à 19h. Youhou !!! Je n’étais pas au courant. C’est cool, marrant. Il parrait que c’est pour être raccord avec l’heure d’été…Le mec me fait la réflexion que le covid n’a rien à voir avec l’heure d’Eté mais bon. Je comprends, être bloqué chez soi alors qu’il fait jour dehors ça fait bizarre.

En m’arrêtant là, j’y trouve exactement ce que j’étais venu y chercher inconsciemment : de l’ouverture, de la désinvolture, de la créativité, et plein de choses hors du cadre. Rien que les 2 mecs qui nous servent. Au moment où le mec du snack donne son sandwich à mon voisin et que celui-là lui demande combien il dit : « 4,50€ – Ha c’est cher – 4€ – Ah c’est cher – Bon allez donne moi 3€ – Allez, là ça va – Et en plus je vais te faire un cadeau… » Le mec du snack va vers ses friteuses récupérer une barquette vide puis prend 2 feuilles de vignes dans sa vitrine réfrigérée et les lui tend. Mon pote d’attente de sandwich me tend la barquette en me faisant signe d’en prendre une. « A plus alors » On se salue d’un signe de tête, ou autrement, je ne sais plus. Je vais m’acheter une bière à la supérette du coin, au « tu-tu » comme disais mon pote d’attente. « T’es Lyonnais toi !?! – Ouai » Et oui, c’est à Lyon qu’on appelle ça des « Tunards » les supérettes. Ici c’est des supérettes ;)
J’y prend une bière fraiche dans le fond du frigo, je coupe la file en m’expliquant, montre ma canette en l’air au gars de la caisse et lui mets en main une pièce de 2€, suivi d’un échange de regard d’aquiescement. Paiement coupe-file express !

Je reviens à la baraque à frite. Les deux gars s’ouvrent des canettes de Chouffe (bonne bière belge). Ils me racontent des histoires dont je ne comprends que la moitié : Ils sont arabes, mais du Nord (de la France), mais Arabes Occidentaux, mais plus français que d’autres…enfin tranquille quoi, pour rigoler. Enfin mon Falafel arrive. J’avais trop faim, j’avais sauté le repas de midi. Une grande frite en plus… « Je te dois combien ? – 7€, je t’ai fait le Falafel à 4 et la frite à 3 » se justifie-t-il. 50cts cadeau, c’est tout juste un cadeau comparé à mon voisin, mais c’est sympa. Ils me saluent et je vais traverser la foule avec mon paquetage bière – sandwich – frite. 3 trucs en main c’est toujours un peu galère.
Il y a des groupe de gens ça et là, assis par terre, debout, assis sur les banc en pierre, et un attroupement à droite, là où il y a de la musique. C’est une fanfare. Ca a l’air calme là.
Je vais m’asseoir contre les palissades métalliques de chantier. Du Chantier. Le Chantier de La Plaine, qui n’est toujours pas terminé. Il me reste quelques rayons de soleil. Je m’affale, j’ai trop faim. Falafel + frites croustillantes baignées d’Aïoli !

A ma gauche, dans le même rayon de soleil, deux filles qui se parlent en anglais mais ont plus l’air d’avoir un accent, l’une d’Israël, et l’autre je ne sais pas. Pourquoi d’Israël ? Je ne sais pas, j’ai l’impression que c’est ça. Un autre petit groupe les rejoints et discute. On me salue. Je reste là, assis par terre, affalé contre ma barrière.
D’un coup une fille que je connais apparait et vient me parler. Ca fait un moment que je ne l’ai pas vu. La dernière fois ça devait être juste après le 1er confinement, à jouer une pétanque. A chaque fois qu’on se croise on discute un peu. Elle travaille dans un accueil de jour. Ils l’ont déménagé de force dans un autre quartier, et là ils font des travaux. Enfin sur des fonds publics. Mais apparemment il n’y a rien qui a bien été prévu pour accueillir bien leur public, surtout en temps de covid : pas encore de douches, et pas de fenêtres pour aérer… Enfin elle aime son boulo, même si elle ne peut le faire qu’à moitié en ce moment.
Il commence à faire frais. Le soleil nous a quitté. On se lève pour se rapprocher de la musique. La Fanfare a bougé de coin et s’apprête à recommencer. Ca ne manque pas, on se dandine tous. Puis on saute. Puis c’est un pogo déjanté. A l’ancienne. Une danse chaotique où tout le monde se pousse et aime ça. Les fonctionnements « habituels » se remettent en place. Ils y a des échanges de regard, des sourires, des boutades, qui traversent librement l’air. C’est un bain de foule ! L’expression prend tout son sens. On se tombe les uns sur les autres, il y a même une fille qui s’est retrouvée par-terre à presque se faire piétiner. Je l’ai un peu sauvegardé et aidé à se relever « Ca va ? » Elle avait le sourire, tout avait l’air de bien aller. C’est comme ça dans ces moments là à La Plaine : on est un peu tous de la même famille et tout le monde s’entre-aide. On trouve un téléphone par-terre (un peu explosé évidemment ) «  Téléphone !!! » dit le mec en le tendant vers le ciel. D’autres s’en mêlent, se questionnent, font des remarque sur son état, puis une fille le récupère, remercie et fait une blague sur son état tout en remerciant. Moi j’ai perdu ma 2ème bière dans un moulon. Bien que je la tenais fermement, elle a glissé et s’est faite désintégrer. En quelques seconde à l’état de canette aplatie.

Le masque ? Oui, certains l’avaient. Quelques un devant la bouche, d’autre autour du cou, sinon dans la poche. Une rumeur a couru que la Police verbalisait certains sous prétexte qu’ils n’avaient pas de masque. Et oui, parce que la Police était là. Enfin, pas très présente, au loin. Sur La Plaine ou le Cours Ju, il n’y a jamais trop de Police. C’est prit comme de la provocation dès qu’ils sont là. Là on en a vu 3 passer gentilment sur la route à pied. Juste après, un attroupement au coin d’une rue proche, et enfin il parait qu’on étaient encerclé : «  Garde ton masque, c’est ton passeport de sortie » m’a-t-on dit. Mais je ne voyais pas d’autres Policiers qu’au coin de la rue là-bas. On a juste continué de danser et de se pousser les uns contre les autres, avec le sourire, comme si chacun disait à l’autre du regard « Ah, ça fait du bien ». C’était comme avant. Enfin une envie que ce soit comme avant. Dans ma tête je ne pouvait m’empêcher de penser à cet air que je respire, et la probabilité que le virus se balade invisiblement. Il y a des chances…
Mais sincèrement, pour tous ces « jeunes » qui sont là à lâcher la bride, à prendre une bouffée de lâcher prise, y a-t-il un risque que l’un d’entre nous aille bêtement encombrer les services de réanimation ? Peut-être. Certainement ? Je ne sais pas. J’espère que non en tout cas. Cependant, avoir besoin de faire la fête coûte-que-coûte, face au confinement « quoi qu’il en coûte », je comprends qu’on ait besoin de laisser sortir cette énergie. Moi-même je pète un câble interne. Je m’en rends compte. Je suis en manque d’une vie sociale « normale ». A ma manière en tout cas. J’ai peut-être trop respecté, mais en tout cas j’ai respecté.

Alors, tout le monde en a profité. Moi au bout d’un moment, passé 19h, j’ai pensé à rentrer. Déjà franchir cette ligne de Police qui nous encercle si possible, puis me faufiler jusqu’à chez moi en ce couvre-feu, tant qu’il y a encore du monde sur la route.
A ce moment là j’ai croisé un pote. Lorsque je lui dit que je rentre, il me propose de venir faire la fête chez lui ce soir. Arg… j’hésite. Pourquoi j’avais envie de rentrer déjà ?.. Je me sens fatigué. La fatigue du gars qui a un peu de mal à totalement lâcher prise je crois. Pourtant j’adore les plans improvisés… Oui mais demain j’ai prévu un atelier où je dois amener du matos ? Devoir ?.. Bon, mais non, merci, je vais rentrer me reposer chez moi.
Pff, jsuis trop nul. Je mets mon masque noir en place sur ma bouche et mon nez et quitte l’amas de personnes festif. Aucun képi à l’horizon. Entre chien et loup et sous les lampadaires, je retourne tranquillement à ma moto en dépassant le dernier mec qui pisse contre un mur. Quelques autres personnes en font de même. Je me dis que je vais quand même me reposer et profiterai demain.

La tête dans mon casque, à travers Marseille, je me dis aussi que je dois préparer mon déguisement. J’aurais pû l’improviser chez mon pote… oui. Bon mais là je rentre.
Arrivé dans mon quartier d’Endoume, tout est calme. Comme d’habitude en fait. Comme tous les soirs. Comme si la réalité d’où je viens n’impactait rien ici. Effectivement. C’est presque trop facile. Comme si je rentrais dans un domaine privé, au calme. Je gare ma moto, aperçois mon camion garé là et que je sens en sécurité. Je glisse ma clé dans la serrure de la porte de l’immeuble, monte les escaliers, rentre chez moi, et vois cet endroit qui m’abrite chaque jour (un peu trop) d’un autre oeil. Je suis bien ici, au calme, mais j’ai aussi envie de retrouver une partie de ce chaos joyeux plus souvent. La vie présente dans la diversité. Je m’allonge sur le parquet, parce que j’ai le droit. Je ressens ce son sourd, comme quand on a fait la fête…

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