Le tirage d’une cheminée en B-A BA !

Crédit photo : nicolas kaplan

La base, c’est que l’air chaud monte. C’est le principe de la montgolfière.
Le nom de « tirage » vient de la sensation que les fumées sont tirées vers le haut de la cheminée. Comme s’il y avait un aspirateur en haut en fait. Et bien ce sont les lois physiques de la nature qui permettent d’expliquer ce comportement !

lampion
Source : plafondstendusoccitans.com

Nous allons donc expliquer avec Archimède puis calculer pourquoi les gaz chauds sortent plus facilement d’une cheminée plus haute, et comment optimiser ce tirage.

Ce qui monte et ce qui descend : Expérience, Archimède et Densité

Expérience : Si on maintient un ballon plein d’air sous l’eau, dès qu’on le lâche il remontera pour flotter à la surface. On aura la sensation qu’il est « poussé » vers le haut. L’explication est donnée par la Poussée d’Archimède.

montgolfiere-archimede
source : didaquest.org

La poussée d’Archimède dit:

pour deux même volumes égaux superposés, le volume le plus léger passe au-dessus du volume le plus lourd (version adaptée à notre cas).

Ce qu’il se passe donc dans le cas de notre ballon, c’est que parce qu’il est plus léger que le même volume d’eau, il a tendance à monter, et le même volume d’eau présent au dessus de lui a tendance à descendre.
On pourra parler de masse volumique : un même volume peut avoir deux masses (ou poids) différentes selon ce qu’il contient, par exemple de l’eau ou de l’air.

Dans notre exemple c’est un peu comme si on plaçait un ballon plein d’eau au-dessus d’un ballon plein d’air : celui plein d’eau aura tendance à passer en dessous de celui plein d’air. Il est plus lourd, il a une masse volumique plus élevée. C’est la Loi de la Physique présente sur notre planète, c’est comme ça.

ballons

On parlera aussi de différence de densité : l’eau a une masse volumique plus élevée que l’air, c’est à dire qu’on « contient plus de poids » dans un même volume. On dira que l’eau est plus dense que l’air. En effet le poids d’une bouteille d’1L d’eau est d’1kg, tandis qu’il serait pour la même bouteille remplie d’air, tout juste égal au poids du plastique qui la constitue (quelques grammes).

densitépoupulation
Densité de population – source insee.fr

L’air est en fait à l’état gazeux, et l’eau à l’état Liquide, et les gaz sont toujours moins denses que les liquides.
> Un gaz dans un liquide aura toujours tendance à monter
> De la matière moins dense aura toujours tendance à passer au dessus de la matière plus dense
C’est relatif !

+ dense : descend | – dense : monte

Les différents états et excitation de la matière

L’air est fait de gaz : Dioxygène noté O2 et Diazote noté N2 (+ d’autres gaz <1%) (Oui, O pour Oxygène, et N pour Azote :/ ).

Composition-Air
source schoolmouv.fr

Ces 2 gaz sous la forme O2 et N2, sont des molécules composées d’atomes :
2 atomes d’Oxygène  O + O pour l’O2, et 2 atomes d’Azote N + N pour N2.

Le Gaz est en fait un état d’excitation des molécules. Quand on parle de l’air ou du gaz O2, on parle en fait de plein de molécules O2 qui se baladent dans l’air , comme nous dans la rue.
A l’état gazeux, ces molécules sont plutôt en train de courir, comme des enfants super excités.
Tandis qu’à l’état liquide, ces molécules sont plus calmes, comme nous en train de flâner un dimanche après midi.
Il existe un troisième état, l’état solide. Pour de l’eau par exemple, sous forme de glace, les molécules d’eau correspondraient à nous en train de dormir.

Gazeux : Excité | Liquide : Tranquille | Solide : Endormi

source dreamstime.com
source dreamstime.com

Entre deux états, il y a des variations d’excitation, mais aussi des paliers gourmands en énergie à franchir, un peu comme réussir à se motiver à sortir de chez soi, ou pas. Il faut parfois un déclic.

Nous ne côtoyons pas toutes les molécules à tous les états. On trouve souvent de l’eau à l’état Liquide, et du Dioxygène, dans l’air, à l’état Gazeux. On pourra trouver du Dioxygène liquide, comme dans les bouteilles de plongée (sous pression), et de l’eau gazeuse, comme dans les nuages, mais je n’ai jamais vu du dioxygène solide…il peut l’être, mais pour une température de −218,79 °C !

Température et Excitation

Pour en revenir à nos moutons, comparons de l’air chaud à de l’air froid. Ou prenons une salle avant un concert. Tout le monde est tranquille, quoi qu’un peu excité, et attend qu’il se passe quelque chose sur scène. Là arrive le leader du groupe :

« – Est-ce que vous êtes là ?!?!?!? »
– Ouaiiiiiii !!!!
– J’entends rien… Est-ce que vous êtes làaaaa ?!?!?!??!?!?!? »
– Oooooouuuuuaaaaaiiiiiii !!!! »

Voilà, il vient de chauffer la salle !.. et tout le monde est bien plus excité ! Ça bouge.
Par contre s’il commence à faire froid, ça risque de calmer l’ambiance… et on va se serrer les uns contre les autres pour se tenir chaud.
Plus tard dans la fosse, explose un pogo ! Un petit groupe de personnes prend plein de place au milieu et tout le monde s’écarte. On vient d’assister à une dilatation locale  ;)

source : dreamstime.com
source : dreamstime.com

Voilà ! Pour les autres matières c’est pareil que pour des humains à un concert :

Quand il fait chaud, ça excite les molécules, elles bougent dans tous les sens, le volume se dilate et s’expanse : il est plus grand et prend plus de place . Quand il fait froid, les molécules se calment, elles se serrent les unes aux autres, et prennent moins de place.
A l’exception de l’eau, qui est la seule à augmenter de volume au congélateur (attention à l’explosion des canettes de bière oubliées…). Ca doit être du à la forme de ses molécules lorsqu’elles se solidifient…

Dilatation et condensation vont avec densité. Au plus la foule est excitée et dilatée, au moins elle est dense. C’est l’inverse pour la condensation. Si on compte le public présent devant la scène durant l’attente du début du concert ou durant un pogo, on trouvera des chiffres différents : le pogo est moins dense que la troupe qui attend.

pogo
pogo au Helfest 2018

Revoilà le troupeau, celui de nos moutons :

Une matière excitée est plus volumineuse et donc moins dense que cette même matière au repos
> une matière chaude est moins dense que de cette même matière froide
> une matière chaude aura toujours tendance à passer au dessus de cette même matière froide

Dépression, Aspiration et tirage

Chimney_effect
source : wikipédia

Le tirage ou aspiration vers le haut est dû au même phénomène de poussée que pour notre ballon sauf qu’on compare de l’air chaud à de l’air froid.

Le volume des gaz brûlés chauds et dilatés présents dans la cheminée, est plus léger que le même volume d’air relativement froid présent à la sortie de la cheminée. D’après notre explication de la Poussée d’Archimède, le volume d’air chaud aura donc tendance à passer au dessus de l’air froid.

Cela va créer un déplacement de la masse d’air chaud vers la masse d’air froide, du bas vers le haut de la cheminée. L’air monté va créer un vide d’air en bas de cheminée, une dépression qui va être comblée. Le déplacement dans le tube de la cheminée a le même effet qu’un tube d’aspirateur : de l’air est toujours appelé à monter du bas de la cheminée vers le haut en passant par le foyer.

En passant par le foyer, l’air nouveau dit « frais » (parce qu’il est nouveau, mais il n’a pas besoin d’être froid) va participer à la réaction de combustion et donner lieu à des fumées plus ou moins saturées en particules de bois brûlé. Ces nouvelles fumées chaudes vont également monter dans la cheminée et entretenir se phénomène de dépression, aussi appelé « tirage ». On a en effet la sensation que l’air frais puis la fumée, sont « tirés » dans le conduit de cheminée.

Le feu (ou combustion) est une réaction physico-chimique nécessitant 3 éléments :

Carburant + Comburant + Chaleur = Feu

Le carburant c’est la matière que l’on brûle : du bois, de l’essence, du papier,…
Le comburant c’est ce qui aide le carburant à brûler : air (dioxygène)
… et puis il faut une flamme, une étincelle (bougie du moteur), ou beaucoup de pression (Diesel) pour déclencher la réaction.

Dans notre cas, c’est simplement :

(Bois + Air + Flamme du briquet) dans un foyer = Feu

Ce qu’on voudrait améliorer pour se chauffer ou faire à manger, c’est la quantité de feu. On pourra alors se demander comment l’améliorer en jouant sur les caractéristiques des élément, ou les conditions dans lesquelles ils brûlent : Optimiser le bois, Optimiser l’air, Optimiser la gestion du foyer.

Note :

On me fait remarquer pour encore plus de précision que dans cet article de l’Atelier du Zephyr, il est expliqué que ce n’est pas le bois qui crée le feu, mais le « gaz de bois » car les atomes de carbone à l’état gazeux se combinent avec le Dioxygène de l’air. (Merci Kevin)

Optimisation du feu

Pour ce qui est de l’air, on en a à profusion. Il faudra quand même s’assurer qu’il puisse parvenir en quantité suffisante au foyer, frais (donc non saturé en particules) mais pas nécessairement froid. S’il est chaud c’est mieux, ça demandera moins d’énergie au feu pour le chauffer. De l’air trop froid dans un trop petit feu peu l’éteindre.

Pour le bois, on sera limité par son pouvoir calorifique inférieur (~4000 Wh/Kg) qui dépend peu de son essence mais surtout de sa teneur en eau. Un bois sec (<20% d’eau, soit environ 2 ans après sa coupe selon les conditions de stockage) brûle beaucoup mieux qu’un bois humide et génère moins de fumée/particules.

Optimisons donc les conditions dans lesquelles se déroule cette réaction exothermique.

convection
source : cheminee.net

Le foyer, est le lieu du feu. Il doit permettre la réaction de combustion, et à part le fait d’accueillir le bois et l’air, il doit en conserver la chaleur. Il devra donc être isolé de toute condition extérieur pouvant apporter du froid, ou un air perturbateur. C’est pourquoi on privilégie des enceintes fermées pour réaliser des poêles.

L’apport d’air extérieur, ne doit pas non plus être sous-estimé. Il doit permettre d’approvisionner avec un volume d’air nouveau au moins équivalent au volume des gaz s’échappant par la cheminée. On voit donc bien la relation de causalité. Si on veut que le feu brûle « bien », et que la fumée monte « bien », il faudra permettre à de l’air « frais » de circuler dans la pièce et jusqu’au foyer. On pourra réaliser des entrée d’air frais directement au pied de la cheminée, avec une section suffisante (au moins égale à celle du conduit de cheminée).

Le conduit de cheminée est, comme on l’a vu jusqu’ici, finalement le responsable d’acheminer (tient, rigolo) les gaz brûlés vers l’extérieur. On entend un peu de tout sur les conduits de cheminée. Je ne vais pas pouvoir tout traiter ici. J’essaie de m’en arrêter au principal :

Le conduit de cheminée doit permettre de conserver sa chaleur à la « fumée » pour qu’elle conserve cette importante différence de densité avec l’air « froid » qui se situe à l’extérieur. Il faut que cette différence de densité soit au minimum suffisante pour laisser s’échapper la fumée ! Mais ce minimum nécessaire est difficile à cerner du fait des conditions extérieures : différence de température, vent, pluie, turbulences,… Alors on essaie de mettre toutes les chances de son côté !

Hauteur de cheminée, Section du conduit, Chapeau, Modérateur, Extracteur…

Quelle hauteur de cheminée pour un bon tirage ?
Comment dimensionner un conduit de fumée ?
Pourquoi mon poêle refoule la fumée ?
Pourquoi la hauteur de cheminée cré du tirage ?
Comment une cheminée tire ?

On aimerait que ce soit une science exacte pour pouvoir être tranquille, mais même si on a beaucoup amélioré les derniers insert, il y a toujours une variation de réponse du système dépendant des conditions extérieurs multiples et complexes. On pourra cependant apprendre à se questionner, établir un diagnostic personnel et réagir en conséquence (grâce aux savoirs vu plus haut).

Pour la hauteur de la cheminée, je me suis documenté. Il y a une règlementation (pour éviter de faire des bêtises) qui dit que le haut de la cheminée doit dépasser de 40cm du toit (faîtage). Ensuite quelle hauteur serait la mieux ? J’ai beaucoup lu 4m environ, mais pourquoi ?

« Plus la hauteur du conduit sera grande et plus le tirage sera important »
ai-je lu également

Mais pourquoi ?

Hauteur de cheminée et Calcul du tirage

DifferenceDePressionBatimentCe qui intervient dans le « tirage« , c’est la différence de densité/température de mes gaz chauds et de l’air extérieur. Sur wikipédia on trouve cette formule qu’on pourra dire

Différence de pression générant une force motrice de tirage :

ForceMotriceDeTirageCe calcul de différence de pression permettra de caractériser le tirage d’un montage donné.

J’ai cherché la provenance de ce calcul et d’où vient la valeur de C = 0,0342.

Tirage, tirage thermique, Stack effect, Effet Cheminée, Thermosiphon, Ventilation naturelle du bâtiment

J’ai atterrit sur ce livre en ligne « Physique du bâtiment: Construction et énergie (p115) » où l’on trouve cette formule :

EquationDepressionTirage

Cette équation est un mélange du calcul d’énergie potentielle de pesanteur et de l’équation des gaz parfaits (cf Livre cité ci-dessus).

Ra y est un coefficient dépendant du gaz étudié = 287,1 J.(kg.K)-1 pour l’air sec
g le coefficient de pesanteur terrestre = 9,81 m.s-2
alors Ra/g  = 0,0342 K.m-1 = C
Δp(z’) = ΔP : Différence de pression à la hauteur z’ [Pa]
pm : pression moyenne en Pascal [Pa]
z’ : hauteur relative au niveau neutre Znn, en mètre [m]
(le niveau neutre Znn est la hauteur à laquelle les pressions intérieur et extérieur on même valeur)

Application :

Par exemple hier j’ai fait un feu dont la température des fumées juste au-dessus du feu était de 150°c. A l’extérieur il devait faire 15°c. C’était un petit poêle fait-maison, donc le conduit de cheminé était petit, 50cm.

Température extérieure (en Kelvin) : Te = To = 15° + 273K =  288K
Température intérieure (en Kelvin) : Ti  = 150° + 273K =  423K
Hauteur de conduit : h = z’  = 0,5m (on estime que la pression est égale à l’intérieur et à l’extérieur du foyer avant le feu)
Pression atmosphérique moyenne : p = pm = 1,013 bar = 101325 ~1.10^5 Pa (en approximation)

Alors ΔP = 0,0342 x 101325 x 0,5 x (1/288 – 1/423) = 1,94 Pa
ΔP ~ 2 Pa

Ce résultat me parait très faible. On peut le comparer à ma capacité à gonfler un ballon à la bouche. J’ai trouvé ici qu’il est possible de gonfler un ballon à 1,1bar, soit environ 0,1bar de plus que la pression atmosphérique, ou encore 10 000 Pa.

Mon petit feu disposerait donc d’un tirage correspondant à 1/10 000ème de mon souffle le plus fort, un tout petit souffle alors !

On remarquera quand même que pour voir augmenter cette dépression et donc le tirage, on peu faire augmenter h – la hauteur de cheminée, et Ti – Température interne du Feu. Si je prends un conduit de 4m, et un feu à 300°c j’obtiens :

ΔP ~ 24 Pa

C’est 10 fois supérieur à mon petit feu, mais toujours 1% de mon souffle le plus fort… On lit ici que la valeur du tirage est généralement de 10 à 15 Pa. Ca doit donc être acceptable. Difficile de bien avoir la notion d’un tirage suffisant avec des chiffres.

Bizarrement ces calculs ne prennent pas du tout en compte la section du conduit de cheminée…

Section du conduit

Là tout de suite, après tout ça, je n’ai plus le temps de disséquer l’influence de la section du conduit. Disons que c’est comme pour un tuyau d’eau : au plus il est large, au plus l’eau s’écoulera facilement, mais au moins il y aura de pression. On aurait donc tendance à prendre un conduit fin…mais il faut quand même que le volume de gaz produit puisse s’échapper avec facilité. Il faudra donc une section minimum suivant la dimension du feu, et une section maximum également selon les température atteinte, le tirage attendu etc… Une maison possède une plus grosse cheminée d’un tuyau d’échappement de voiture, mais plus petit qu’une usine…

Chapeau, Modérateur, Extracteur/Aspirateur

Les chapeaux qu’on retrouve en haut des cheminées servent à empêcher l’entrée d’eau dans le conduit, limiter l’impact du vent, et parfois améliorer le tirage par effet mécanique. Ils prennent alors la forme dune boule spiralée appelée extracteur (ou parfois vendu comme aspirateur de fumée).

Les modérateurs/régulateurs quant à eux sont là pour limiter le tirage de la cheminée. En effet une cheminée qui tire beaucoup consomme beaucoup de bois et ne fait peut-être pas suffisamment profiter l’intérieur du logement de sa chaleur qui s’en va « chauffer les oiseaux » comme on dit. Les modérateurs sont des clapets placés sur le côté du conduit de cheminée, par directement dedans. Ils laissent pénétrer de l’air froid dans le conduit pour diminuer la dépression en alourdissant les masses d’air. La forme s’apparente à un papillon d’entrée des gaz (carburation) sauf que l’axe n’est pas central.

papillongaz regulateurs-de-tirage-<- A gauche un papillon de gaz de moteur thermique,

à droite un régulateur de tirage ;) ->

Bon ben voilà, j’ai dit à peut prêt tout ce que j’avais à dire. Des questions ?

Pour aller plus loin dans l’expérience : le rocket stove ?

IMG_4466_2000_david-tribal-rocketStove

Fabriquez des rocket stove (ou poêle rocket) ! Low-tech par l’excellence, c’est ce que nous faisons au Low-tech Lab Marseille. Vous pourrez retrouver des tutoriels sur le site du Low-tech Lab, ou en poussant vos recherches sur internet ;)

Ci-dessous, ma dernière création à partir de boites de conserve et d’un mas de trottinette :

IMG_0184_2000_david-tribal-rocket-stove

Related posts

Pour commenter sans FB c'est ici ? (laissez votre contact si vous le souhaitez)